Le point sur les marchés financiers Octobre 2023

Vendredi 13 octobre 2023

Expertise

En septembre, les chiffres économiques ont montré une activité toujours vigoureuse aux Etats-Unis. En zone euro et en Chine, la situation est restée plus difficile, quoique sans aggravation majeure. De part et d’autre de l’Atlantique, l’inflation sous-jacente, bien que toujours élevée, a poursuivi son reflux. Sur les marchés, les rendements obligataires ont fortement augmenté tandis que la correction des indices d’actions, amorcée en août, a continué. 

 

Zone Euro :

Les indicateurs économiques sont restés très moroses en septembre, quoiqu’avec quelques signes de stabilisation même si le risque de récession n’a pas disparu. Les données définitives du PMI1 composite de la zone euro pour septembre ont été légèrement révisées à la hausse à 50,1 par rapport à l’estimation préliminaire de 47,1. Les quatre principales économies ont toutes affiché une amélioration de leur indice composite, celle-ci étant plus marquée en Espagne et en Italie où l’amélioration concerne tous les secteurs. Par ailleurs, la propagation du ralentissement économique au marché du travail est restée limitée, le taux de chômage étant, à 6,4% en août, à son niveau le plus bas depuis la création de la zone euro. Une bonne surprise est venue de l’inflation, dont le fort reflux a dépassé les attentes en septembre : la progression de l’indice global a été ramenée à 4,3% sur 12 mois (après 5,2% en août), celle de l’indice sous-jacent à 4,5% (après 5,3% en août).

   

Etats-Unis :

Les chiffres économiques américains sont restés très robustes en septembre, déjouant les prévisions de récession malgré la forte hausse des taux directeurs. Le marché du travail américain a été étonnamment résilient en septembre. L'emploi a fortement augmenté. Par ailleurs, les données des mois précédents ont été révisées sensiblement à la hausse, remettant en cause la tendance baissière précédente, même si le taux de chômage est remonté à 3,8% en août (après 3,5% en juillet). Les indicateurs portant sur la consommation, la production industrielle et l’investissement des entreprises ont également surpris à la hausse. Concernant l’inflation, l’indice global est resté stable par rapport au mois dernier (3,7% sur un an à fin septembre), alors que le consensus attendait un ralentissement à 3,6% en rythme annuel. L’indice sous-jacent (hors alimentation et énergie), suivi par la Réserve fédérale pour la détermination de sa politique monétaire, a augmenté à 4,1% sur un an en septembre, après 3,9% en août.

 

Chine :

Les données d'activité en Chine pour le mois d'août ont dépassé les attentes, laissant présager que le pire a été atteint au troisième trimestre. Toutefois, malgré les prévisions d’une reprise cyclique progressive, la Chine connaît une décélération séculaire sur plusieurs années. Le principal facteur à l'origine de ce ralentissement a été et continuera d'être le secteur immobilier.

 

Banques Centrales :

La désinflation se confirme et le cycle de hausse des taux directeurs touche à sa fin. Pour de nombreuses Banques Centrales (FED, BCE, BoE, BoJ, BNS, RBA, Canada2) les pauses se muent doucement mais sûrement en fin de cycles. 2023 achève le cycle de hausse des taux, 2024 sera celui de la baisse. 

La Banque Centrale Européenne considère qu’après la hausse de son taux de dépôt à 4% en septembre dernier elle a atteint le pic. En effet, si ce dernier est maintenu suffisamment longtemps à ce niveau restrictif cela lui permettra d’atteindre sa cible d’inflation de moyen terme. Le scénario qui semble se dessiner est différent de celui des précédents cycles : les banques centrales ancrent une approche de taux directeurs « plus hauts pour plus longtemps », dans un contexte d’inflation plus structurelle.

Le compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la Réserve Fédérale Américaine souligne les incertitudes qui habitent ses membres, tiraillés entre une croissance plus résistante qu’attendu et une inflation qui ralentit. Aux Etats-Unis, après avoir accordé encore une probabilité de 50% à une hausse d’ici la fin de l’année avant un cycle de baisse à partir de juin prochain, les marchés ont tout récemment revu cette probabilité qui s’inscrit dorénavant à 15%. Cette révision est liée aux derniers propos des membres de la Fed qui ont ajusté leur discours, en soulignant que le niveau actuel des conditions financières est suffisamment restrictif, ce qui permettrait ainsi de poursuivre la pause des taux directeurs lors des prochaines réunions. Cependant avec un taux des Fed Funds à 5,33%, la Fed affiche un biais restrictif qu’elle devrait conserver encore plusieurs mois. Ce biais est désormais bien intégré par les investisseurs.

 

Taux :

Depuis cinq semaines deux phases distinctes ont été observées sur les marchés obligataires. Tout d’abord, au travers des nombreuses prises de parole des banquiers centraux (Fed et BCE notamment), les taux souverains ont sensiblement progressé dans un mouvement de pentification de la courbe (une hausse plus marquée sur les taux à long terme que sur la partie plus courte), et ce jusqu’à l’annonce du conflit entre Israël et le Hamas. Cette dynamique haussière s’explique essentiellement par une remontée des taux réels, entretenue par la réévaluation de la posture des banques centrales concernant la durée du maintien des taux directeurs en territoire restrictif. Ainsi, les taux souverains américains ont encore franchi un nouveau seuil à la hausse le 6 octobre en s’établissant au-dessus de 4,80% pour l’échéance à 10 ans, de même le Bund allemand de même maturité s’inscrivait à 3% au plus haut depuis 2011. Cette progression des taux était également entretenue par de nouvelles statistiques témoignant d’un marché de l’emploi très solide aux Etats-Unis, compromettant alors un retour rapide à la cible d’inflation. Cependant, le renforcement des tensions géopolitiques avec le conflit entre Israël et le Hamas a entrainé une rechute importante des taux souverains qui ont retrouvé leur atout de valeur refuge et bénéficié des craintes accrues sur la croissance à venir. De plus, l’ajustement très récent de la communication de la Fed a rassuré les investisseurs quant au caractère déjà bien restrictif de la politique monétaire, ce qui permettrait d’arrêter la hausse des taux directeurs. Les marchés obligataires se sont en effet immédiatement rassurés sur le statu quo qui se profile pour le prochain comité de politique monétaire. En quelques séances le recul des taux souverains a été spectaculaire : moins 0,25% sur le T notes américain et sur le Bund allemand, témoignant de la persistance de la volatilité sur les marchés obligataires, reflet tout de même d’une incertitude sur le moment de l’inflexion monétaire.

Le marché du crédit (obligations d’émetteurs privés) était resté jusqu’à présent relativement résilient à l’environnement macroéconomique, cependant la vague de hausse des taux a eu raison de l’optimisme des investisseurs. Dans ce contexte d’aversion au risque et de volatilité, l’écartement des spreads a été notable avec des spreads de crédit retrouvant leur niveau de mai dernier. Néanmoins, les investisseurs qui avaient réduit leur tolérance au risque ont depuis cette semaine retrouvé un certain intérêt pour cette classe d’actif comme en témoigne la détente récente des spreads de crédit.

Dans nos portefeuilles, nous nous inscrivons toujours avec une duration supérieure à celle de nos indices de références. Quant au positionnement géographique, nous sommes surpondérés sur les obligations souveraines américaines, espagnoles et portugaises.  Enfin, nous conservons une attitude prudente sur les obligations privées en étant sélectifs sur la qualité et la liquidité de l’émetteur et maintenons notre exposition sur la dette émergente.

Actions :

Les principaux marchés d’actions ont poursuivi leur tendance baissière jusqu’à la fin du mois de septembre. Depuis début octobre, ils semblent avoir stoppé, voire inversé cette tendance. Néanmoins, ils s’inscrivent tous en baisse sur l’ensemble de la période. Au 12 octobre, les performances s’étalent de -0,3% pour l’indice NASDAQ des valeurs technologiques américaines (mesuré en dollars) à -4,3% pour l’indice japonais TOPIX (en Yen). L’indice global des pays développés (MSCI WORLD) abandonne 2,2% et celui des pays émergents (MSCI EM) 2,8% (tous deux en dollars). L’indice européen STOXX 600 perd 1,7%.

En Europe, au niveau sectoriel, le secteur du Tourisme/Loisirs a été particulièrement chahuté avec un recul de 8,4% pour son indice (STOXX Europe 600 Travel & Leisure). De leur côté, les Services aux Collectivités qui offrent traditionnellement des dividendes élevés ont été très négativement impactés par le mouvement de hausse des taux d’intérêt intervenu fin septembre. Leur indice (STOXX Europe 600 Utilities) a ainsi abandonné jusqu’à 11% début octobre avant de se reprendre. Il termine la période sur une baisse de 6,4%. Sur une note plus positive, le secteur bancaire a plutôt bien résisté, dans un contexte de repentification de la courbe des taux d’intérêt, et son indice (STOXX Europe 600 Banks) progresse dans le même temps de 1,8%.

Dans ce contexte, nous maintenons notre orientation défensive sur les actions des pays développés (États-Unis, zone euro). Les actions mondiales continuent de paraître chères dans un contexte économique qui se détériore. Aux États-Unis, nous observons un certain nombre d’indicateurs qui appellent à la prudence (faiblesses potentielles du marché du travail, hausse du prix du pétrole à laquelle les consommateurs américains sont particulièrement sensibles, aggravation des taux de défaut et des impayés dans un contexte de taux réels élevés), d'autant plus que les attentes des analystes en termes de bénéfices des sociétés ont augmenté avec des résultats qui ont majoritairement surpris à la hausse au premier semestre. Les risques proviennent principalement de la hausse des prix de l’énergie, combinés à une hausse des taux qui suscite des craintes de récession. Ce qui se passe au Proche-Orient depuis quelques jours accroît les risques en ce sens. En Europe, la croissance devrait rester modérée, et le marché vulnérable aux surprises économiques négatives ainsi qu'aux faiblesses du cycle industriel et des services.

 

1PMI, pour Purchasing Managers Index, est un terme générique pour désigner des indices établis à partir d’enquêtes mensuelles auprès des directeurs d’achat des grandes entreprises des principales économies mondiales.

2Federal Reserve (FED), Banque Centrale Européenne (BCE), Bank of England (BoE), Bank of Japan (BoJ), Banque Nationale Suisse (BNS), Reserve Bank of Australia (RBA), Banque du Canada (Canada).