Marchés Financiers

16/12/2022 : Le point sur les marchés financiers décembre 2022

Au cours du mois de novembre, l’économie mondiale est restée confrontée aux défis de l’inflation très élevée, du resserrement de la politique monétaire dans la majorité des pays, et des difficultés spécifiques de la Chine. Pour l’heure, le ralentissement est moins sévère aux Etats-Unis qu’en zone euro. Sur les marchés, le rebond des actions s’est poursuivi tandis que les rendements obligataires se sont nettement repliés.

 

Zone Euro :

 L’inflation en zone euro présente des signes de ralentissement en novembre avec un taux affiché à +10% en glissement annuel vs +10,6% en octobre, en lien avec la baisse des prix de l’énergie constatée depuis cet été. Néanmoins la persistance du taux d’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) sur des niveaux toujours trop élevés (+5% en glissement annuel, stable par rapport à octobre) confirme que la tâche est loin d’être terminée pour la BCE. Dans le même temps, si l’économie européenne ralentit et est peut-être déjà entrée en récession, les chiffres publiés en novembre ont été meilleurs qu’attendus. Ainsi, la croissance du PIB allemand au 3ème trimestre  a été révisée en légère hausse (+0,4% contre +0,3% annoncé initialement). Par ailleurs, les principaux indicateurs du climat des affaires (PMI et IFO portant sur novembre, notamment) ont légèrement rebondi et dépassé les attentes, même s’ils ont continué d’indiquer une contraction de l’activité. L’indice de confiance des consommateurs s’est également un peu repris tout en restant sur des niveaux exceptionnellement faibles. Enfin, les Etats membres de la zone euro peinent toujours à s’entendre sur un mécanisme de plafonnement du prix du gaz. Les divergences de vues entre Etats membres de l’Union européenne (UE) freinent l’adoption d’un tel dispositif, certains Etats (Allemagne, Pays-Bas notamment) craignant qu’il n’amplifie la pénurie de gaz tandis que d’autres (par ex. Italie, Belgique, Grèce) cherchent à limiter la facture énergétique des ménages et des entreprises. Une nouvelle réunion est prévue le 19 décembre prochain afin de parvenir à une solution commune pour faire face à la crise énergétique.

Etats-Unis :

Aux Etats-Unis, les chiffres d’inflation de novembre se sont inscrits en dessous des attentes : 7,1% en glissement annuel et 6% pour l’inflation sous-jacente (+0,1% vs +0,4% en octobre pour l’inflation totale et +0,2% vs +0,3% en octobre pour l’inflation sous-jacente) mais ceci provient surtout de la rechute des prix des biens et de l’énergie.  Bien que la tendance soit au ralentissement, l’économie américaine reste tout de même en légère expansion. Ainsi, malgré un nouveau repli, l’indice ISM manufacturier portant sur octobre s’est maintenu en territoire légèrement positif, tandis que son homologue portant sur les services, également moins élevé qu’en septembre, indiquait toujours une hausse significative de l’activité. Le marché du travail demeure encore très dynamique. Les chiffres de l’emploi de novembre sont bien au-dessus des attentes des investisseurs avec +263.000 créations d’emplois (vs +260.000  créations d’emplois attendues et +284.000  en octobre) et surtout des salaires qui repartent à la hausse à +0,6% en rythme mensuel, même si cela est encore incompatible avec la stabilité des prix, notamment dans les services. Du côté politique, les élections de mi-mandat ont fait place à une cohabitation des deux partis (la chambre des représentants étant dorénavant à majorité républicaine) ce qui ne devrait pas faciliter l’adoption de nouvelles mesures.

Chine :

En Chine, et contre toute attente, les assouplissements sanitaires se multiplient suite aux nombreuses manifestations des habitants des villes confinées, ce qui contribue à alimenter l’appétit pour le risque sur les marchés financiers. Néanmoins, afin d’éviter une perte de contrôle totale de l’épidémie face à des niveaux de contamination historiquement élevés, la réouverture plus large de l’économie n’interviendra qu’après l’accélération de la vaccination, notamment des personnes les plus à risque, et l’augmentation des capacités hospitalières, deux éléments qui seront particulièrement suivis ces prochaines semaines. Enfin, le retour de l’inflation sous le seuil de 2% en novembre offre des marges de manœuvre supplémentaires à la banque centrale pour accroître son soutien à l’économie.

 

RETOUR SUR LES PRINCIPALES CLASSES D’ACTIFS

Banques Centrales :

La Banque Centrale américaine a entamé le 14 décembre le ralentissement du rythme de son resserrement monétaire en relevant les taux directeurs de 50 points de base à 4,25-4,5%, en tenant compte du fait que le pic d’inflation a été atteint aux Etats-Unis. Cette décision était largement attendue par les investisseurs financiers et a eu peu d’impact sur les différentes classes d’actifs. Le discours de Jerome Powell souligne néanmoins que les risques haussiers persistent concernant les perspectives d’inflation ; il table sur un retour vers l’objectif de 2 % en 2025 seulement. Il juge le marché du travail encore très tendu ne montrant pas de signe de dégradation aujourd’hui. Par conséquent le taux terminal des Fed Funds est anticipé plus haut que précédemment à 5% au moins, soulignant ainsi la volonté de maintenir les taux plus élevés plus longtemps. Le cycle d’assouplissement monétaire ne démarrera que lorsque la FED sera convaincue que l’inflation converge vers l’objectif de 2%.

La BCE a également relevé ses trois taux directeurs de 50 points de base le 15 décembre, le taux de dépôt étant désormais de 2%. Elle a également annoncé qu’elle commencera à réduire ses détentions d’obligations du programme APP1 à partir de mars 2023, à un rythme moyen de 15 Mds € par mois jusqu’à fin du 2ème trimestre  2023 (c’est-à-dire environ la moitié des titres arrivant à maturité). Le montant de titres non réinvestis pour la 2ème partie de l’année sera déterminé ultérieurement. Si le mouvement annoncé sur les taux directeurs a été conforme aux attentes du marché, le discours de Christine Lagarde a en revanche surpris les marchés. En effet, elle a insisté sur le fait que les taux devront encore être relevés significativement, et à un rythme régulier pour atteindre les niveaux qui seront suffisamment restrictifs pour s’assurer d’un retour opportun de l’inflation à la cible des 2%. La BCE a explicitement mentionné un rythme régulier de plusieurs hausses de 50 points de base à attendre en lien avec des révisions substantiellement plus élevées pour ses prévisions d’inflation les trois prochaines années.

 

Taux :

La baisse des rendements obligataires amorcée en octobre s’est poursuivie en novembre et début décembre, les incertitudes quant aux trajectoires de court terme des banques centrales et de la 

conjoncture semblaient alors se dissiper peu à peu. La publication de chiffres d’inflation en baisse et en deçà des attentes, cumulée avec le ralentissement attendu des hausses de taux des Banques Centrales ont effectivement porté les marchés obligataires. Ainsi sur un mois, aux Etats-Unis le taux des Emprunts d’Etat à 10 ans s’inscrit en baisse de 0.75% à 3.45%, alors que sur la même période le 2 ans ne diminuait que de 0.20%, accentuant encore le mouvement d’inversion de la courbe des taux d’intérêt.  Si la réunion de la FED n’a pas eu d’impact notable sur le marché, il n’en a clairement pas été de même le 15 décembre pour celle de la BCE, dont le discours musclé en faveur d’une poursuite des hausses de taux directeurs a fortement influencé à la hausse les rendements obligataires de la zone euro. En effet le rendement souverain allemand à 10 ans a progressé sur cette seule journée de 0.15% pour atteindre 2.08% tandis que le taux à 2 ans augmentait plus encore à 2.34%, la politique monétaire influençant logiquement plus la partie courte de la courbe des taux. Le marché du crédit s’est bien comporté sur cette fin d’année, l’appétit des investisseurs est revenu sur cette classe d’actifs permettant aux spreads (supplément de rendement offert par les émetteurs privés pour se refinancer par rapport à la référence bancaire) de se détendre. Les émissions non financières, malgré une dynamique plus forte en fin d’année sont en net retrait d’environ -30% au global cette année par rapport à 2021.

 

Dans nos portefeuilles nous gardons une approche opportuniste sur la sensibilité aux taux d’intérêt que nous conservons en dessous de celle de nos indices de référence avec une vue favorable sur les obligations du Trésor américain (UST) tout en restant attentifs sur les chiffres d’inflation et du marché du travail. Sur le marché du crédit, nous continuons de privilégier la qualité.

 

Actions :

Depuis plusieurs semaines, les marchés actions des pays développés ont enregistré un notable rebond, particulièrement remarquable en Europe. La hausse des marchés actions au cours du mois écoulé résulte des bons résultats trimestriels publiés par les entreprises cet automne, mais surtout de la conviction des investisseurs quant à l’idée que les banques centrales vont réduire l’ampleur des hausses de taux à venir dans un contexte où l’inflation ralentit, tout en parvenant à éviter un trop fort ralentissement de l’activité. En Chine, des mesures d’assouplissement par rapport à la politique zéro COVID sont entrées peu à peu en vigueur au cours des dernières semaines et ont aussi contribué à redonner espoir aux investisseurs, provoquant ainsi l’appréciation de la devise et la remontée des marchés actions dans cette zone géographique, soutenant également la sphère cyclique européenne, sensible à l’activité en Chine.

D’un point de vue sectoriel on observe une sous-performance des secteurs des télécommunications, de la santé et de l’énergie (pétrole en particulier) due à des craintes quant au niveau de demande pour le baril en 2023. Sur la même période, les banques, les matières premières et la technologie sont des secteurs qui ont surperformé.

Dans ce contexte, plusieurs éléments nous incitent à rester prudents face à ce rebond des marchés actions :

  • Nous pensons que le consensus est encore trop optimiste pour les anticipations de croissance des bénéfices des entreprises pour 2023.
  • En particulier en Europe, la problématique du stockage de gaz et des prix de l’énergie reste prégnante et porte des conséquences importantes pour les ménages (pouvoir d’achat) et pour les entreprises (pression sur les marges dans certains secteurs d’activité).
  • Aux Etats-Unis, le marché de l’emploi est encore robuste, la croissance des salaires bien orientée et l’inflation « cœur » (sans l’effet de l’énergie et  de l’alimentation) s’établit encore à plus de 6% en novembre en rythme annualisé, la composante « services » restant en accélération. La Fed va donc devoir maintenir un niveau de restriction important, même si désormais elle peut envisager un rythme de hausse de taux plus limité. Ceci pourrait maintenir une certaine pression sur l’activité des entreprises – via des conditions financières plus dures – alors même que les marchés actions aux Etats-Unis s’établissent encore à des niveaux de valorisation historiquement élevés. 

Le contexte macroéconomique actuel nous incite donc à conserver une position prudente, sous-pondérée sur les actions via la Zone Euro et via l’achat de protection sur les marchés d’actions des Etats-Unis. Nous pensons en revanche que les marchés émergents, notamment la Chine pourraient présenter des opportunités d’investissements prochainement. Nos choix sectoriels restent axés sur les secteurs défensifs et certains secteurs bénéficiant de la hausse de prix.

 

1Asset Purchase Programme, connu sous son nom français de Programme d’Achats d’Actifs

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